Pour plein de choses partout étalées sur les murs, de petites joues
creusées et croisées, accrochées les unes aux autres, dans les couloirs
hallucinés du métro, je me reprends les pieds dans le tapis. Je rentre
là où se frôlent le long des berges les traques d'humaines apparences,
et je me retrouve à mon tour baigné dans ta douce atmosphère-amosphère
de planète gauloise viciée.
Bout filtre.
Et arrière goût cuivré collé à l'arrière-pays du fond de ma gorge. Je
t'aime et je te hais. Pour pays qui s'ouvre et pour pays qui se
referme, pour retremper mes lèvres dans la saveur charnue du fruit
gorgé d'un plaisir qui s'accentue. Vision de la ville défenestrée qui
répète inlassablement son numéro de passe-passe sur le bord d'un banc
desséché.
Le soir sur des paliers où s'étagent les restes caverneux d'une quille
percée, la mélasse des jours qui pointent à la ligne retombe et se
déverse.
Abondamment.
Mais que se noient ses pulsations, si plus poussées vers l'arythmie
cardiaque que le battement harmonieux à l'unisson des nourissons.
Français.... Nous voilà redevenus français. A admettre et à souligner
du rouge-crayon qui colore l'aller-retour dans les étages du monde. Je
vous aime et je vous hais. Je respire mal la vue de votre œil morne, ou
des deux, le poil livide et falpi des après-midi de lavasse coagulée,
entonnés, marseillais, marseillaises, les testicules en bandoulière qui
pendent élastiques et suspects. Fond de soute d'un cargo étiqueté
banlieue. Quelques bandes rayées. Un, deux chiffres. Logo
insipide. sans doute payé cher somewhere... Et l'œil vitreux là posé,
en face, barré de noir, ou de beurre rance, derrière lequel
gravite une énorme masse filandreuse. Là où tout bouillonne, la fusion
des projets bravés, contrés, décharnés, qui se sont enlisés de
vagues en lames et qui me tripatouillent l'espace aérien. Le vent du
globe est glacé, ce soir, et accuse les échos oubliés de lointains
coups de glas. Les vitrines gloriolistiques où sont allés se noyer nos
exploits délégués et quelques barreurs de carte blanche avec. Et
vouloir être inutile dans le vide ambiant dévitalisé.
Mais nous, pauvres Marsupilamis, qu'est ce qu'on a fait pour mériter tout cela ?
Est-ce que c'est là et seulement là pour rester ? La gaze collée à la
plaie. Le sac sous la nacelle... Et les reflets qui ne luisent pas. Le
reste... L'huile et le gazole mêlés qui se répandent.
Et on te vidange, boy, on te vidange de chacune de tes petites
cellules intramusculaires. De chacune des pulsations qui battent
au fond de toi. Touche et tu sentiras où que tu ailles en toi. Elle est
là, cette énergie. Elle continue malgré toi et elle t'attend. Elle
croise les doigts en espérant que tu saches le comprendre. Que tu
verras les tics et les tacs qui se cassent le cœur et le pur esprit à
vouloir tourner le long des cadrans. Et tu verras les étincelles qui
brillent dans chacun des diamants qui s'égrainent. N'aies pas peur.
Comprendre qu'ils soient si précieux ne réclame pas que l'on s'affole à
les voir partir au bras d'une fille. Mais il faut savoir les voir
venir, avec la force et la détermination qui les laisse s'échapper pour
que toi...
Deus ex Machina.
Et on voudrait que se poussent un peu plus sur le côté, les potentiels
stridents de ta vie. Les ordres et les contrordres importent peu...
C'est à, dans la ligne de fuite des perspectives aplaties que se lie
ton destin. Il n'y a pas d'irritation du cuir chevelu, pas de main
tendue ou d'ablation à redouter. On s'en fout ! Tu es là, reviens...
La poisse s'accumule facilement au hublot. Magnétique et charnelle. Et
je ne vais pas patauger dix ans dans la fange à étaler. C'est là que se
lie le changement si tu l'aperçois d'ici... Ouvres grand tes oreilles,
parce que le futur étalonné auquel on te destine existe. Il existe
différemment de ce que la connerie exemptée, la saloperie calées
en haut bien chaud, au dessus du cervelet, peut donner de
reniflements de fric, de passe-droit, de blanchissement par personnes
interposées et de placards racoleurs pour y coller des mouches
hallucinées. Il est grand temps de se foutre de leur absence de
consistance. Rare qu'il te donnent tes chances. Des chances
désincarnées, multipliées au million de tickets-bingo qui change
tout et que personne ne pourra habiter.
Pour lesquels 100% des perdants auront tenté leur chance.
Pas même leur vent qui n'ait quelque chose de substantiel, en vrai et
pas en fric, quelque chose d'intelligent, de neuf ou de sensible. Pas
de projet. Un monde sans idée, où les tiennes s'enlisent mais ne
doivent pas accepter de se taire. Ils viennent bardés des instruments
du culte. Mais malgré l'arsenal, la ferveur se casse la gueule dans
l'escalier de service. Pas sures ces combines... L'époque est
insupportable de conformisme, conventionnelle à mort, jusque dans ses
parodies publiques de justice privée et les courants qu'elle balance
sur le trône du goût en cours dans un soucis urticant de fric.
L'exiguïté mal dissimulée d'un espace intérieur incapable d'avancer
autre chose.
Et par manque de projet, de temps, de direction, de fonds,
d'enthousiasme, les palissades se prennent des airs d'institution.
Vivre en France et ne vivre qu'en France nous cache la réalité tangible
d'un monde qui, lui, continue d'évoluer. On arrêtera pas les autres,
même en freinant des quatre fers. Et ils voudraient garder les anciens
schémas en place. Les vieilles structures nauséabondes héritées, en
cadeau mal partagé, du dix-neuvième siècle, du vingtième, et du début
de l'actuel — pour combien de temps ? — tenant du titre. Les fossiles
mentaux et les tics intellectuels levez la main !
Why ? La peur, boy, la peur viscérale qui leur colle au ventre, de se
voir dépassés, rattrapés ou que cela ne se sache si c'est déjà fait.
Mais quel mal, après tout ? Est-ce qu'ils sont censés continuer à
fonctionner comme des débiles de stressés professionnels. Il est temps
d'entériner ces différences là, ensuite les apports de la nouvelle
génération instruiront l'ancienne. Nous sommes complémentaires et nous
avons besoin les uns des autres. Les gens deviennent meilleurs si tu
les traite comme s'ils étaient meilleurs. A partir d'un certain stade,
des messages de délivrance apparaissent et s'ébauche quelque chose de
nouveau. Une souche prête à la repousse.
La peur est ce qui fait le besoin d'être sécurisé, rassuré dans ses
attitudes piteuses, misérables de replis égoïstes, que ça se passe et
je sortirai alors, grand seigneur, de ma coquille. Pas le temps !
Boy, c'est maintenant. Commence à te fabriquer ta vie maintenant. Comme
tu peux. Comme tu veux. Il faut du temps et savoir vivre dispense
presque de continuer à apprendre. C'est pour ceux qui n'ont plus envie
d'apprendre. Juste garder les choses en l'état. Rassure toi, ceux qui
te disent qu'ils connaissent la vie sont peut être des menteurs qui ont
fini par croire leurs propres mensonges.
Il y a aussi cette petite dose d'angoisse qui gravite dans leur monde.
Ca y est ! Le monde est terminé, son apprentissage s'achève et ne
changera plus until the end of the world. Mais c'est justement là
qu'ils se mettent à ralentir. Et s'arrêter quand les autres continuent,
c'est reculer...
Ils ne voient pas que certains ailleurs sont en train de préparer ce
zeste restant de futur à presser. Que le japon développe les
technologies qui feront de lui le lieu avec la Chine, de la nouveauté
qui se donne les moyens de continuer à rêver son futur. Que troisième
millénaire ou vingt et unième siècle s'intitule, peu importe. Ceux là
ont les envies, et surtout ne touchent pas du doigt le sentiment
permanent de l'impossibilité de réaliser les choses en mode nouveau
pour du qui soit tangible. Ils ne se réveillent pas en pleurant à
chaudes larmes, en pissant sur l'univers de tout l'intérieur de leur
vessie gonflée que tout a déjà été inventé et qu'il ne leur reste plus
rien à faire sur cette pauvre terre. Où la boulangerie ferme le
dimanche en plus ! Que la crise est là et que le partage s'est fait à
leur détriment. Ah ! Tiens... Ben, C'est arrivé... Mais la méthode de
séparation des richesses, elle est de toute façon immorale, on le sait
: pas la peine de gloser dix mille ans. Alors qu'il faut construire
ailleurs et différent. Ce n'est pas de simplement reformater une petite
attitude qui changera la nature des choses.
La société souffre parce que la société est morte et continue à vivre sur l'illusion des images qu'elle entretient de son passé.
Et ils ne s'embarrassent pas de tous ceux qui s'escriment à vouloir
montrer le nord pour suivre les entiers asséchés sans savoir où
s'arrêtent leurs intuitions. Pas d'insouciance qui ne soit permise. On
ne rêve pas au milieu d'une autoroute.
Si tu n'es pas sur tes gardes, tu te fais échantillonner toi même et
ils rejoueront de toi et de tes cordes vocales ultérieurement. La fuite
est : en avant, en tout cas. Et ce n'est pas un problème : c'est le
seul chemin qui mène quelque part.
Et toi tu es entier, même si ce n'est qu'à moitié d'un des mètres
étalons qu'on te brandit au nez. Oublies les mètres étalons. Ce sont
des dimensions plates qui ne se prolongent que dans la direction unique
qu'on leur a assigné de suivre. C'est toi, devant, dedans, sur le côté,
rond et anguleux, plein de ce qui fait ton poids. N'aies pas non plus
peur d'ouvrir des espaces qui te rendent à ta profondeur oubliée. Elle
est viable et elle balaie, la légère inconsistance des plumes allégées,
dévitalisées, des pauvres en calories. Les passages intermittents
d'averses en fin de soirée ne te concernent pas.
Oublies le marasme en bleu et les bulles qui remontent, vides, à la
surface. Lâche les packs dispersés, renfrognés, les sachets
plastiques blafards au fond du fond, où tu bois, où tu crisses. Ou te
broies les riches heures du grand siècle en équilibre sur son bord de
civilisation. De sa porte qui grince aux jointures.
Rongée de l'intérieur.
L'articulation entre les deux mondes résiste le long de gonds
rouillés. Ils se passent le sel, la brosse, ou les couteaux, et se
perdent en conjectures elles même indexées sur les cours de la bourse.
Et tout le monde qui s'en désintéresse tout en prétendant le contraire.
Les rues sales parfois de trop de crachats béants. Accumulés à Paris,
où se croisent les fils d'une génération frustrée et des gens que l'on
est en train de méchamment blouser. Ils arpentent petitement le sol
froid des cadrans de leurs montres. En arcs de cercles, suivre les
ronds de jambes et les ronds de cuirs croisés qui s'épanouissent
moyennement dans les bon an mal an, les formulaires trombonés que les
litiges incohérents achèvent de rendre surréalistes.
Symptômes...
Voyez les meurtrissures. Les stigmates remplissent tout doucement les
tours de verre. Une vaste démonstration de connerie lacunaire affichée
à tous les étages, en ampoules à bâillonettes. L'indécision qui se
téléguide de loin, en fonction de règles protocolaires de la contagion
générale du renoncement, de la flétrissure du besoin, du désir,
de l'envie de faire les choses, et de les dire et de les croire pour ne
pas se faire vider de ce que l'on est encore. Un soi même qui n'a rien
à voir avec les petits egos hypertrophiés des dix années qui viennent
de s'évaporer. Le credo de toc qui a vendu la terre à l'euphorie
débile du casino. Le banquier est absent.
Normal, il joue en bourse.
Parce que tanguer n'est pas une règle d'humaine nature sur la terre des
ferrailleurs. Parce que coupler les petites poires emmaillotées et
régler les gros ballons de rouge qui inoculent la mort à huit ans. Cinq
ou six roses et la perte d'une identité dégradée. Elle se sera
distraite d'elle même, jusqu'à la plus sinistre des dépossessions.
Jusqu'à l'absurde terminal, le mythe épuisé, l'anarchie morale des
sentiments qui se font la malle, docteur, en grosse hémorragie dans un
écœurement muet. Tandis que la bouillie crasse que déverse obstinément
la lucarne du grenier à blé se diffuse jusque loin dans la chambre.
Exit. Tu peux reprendre le cours de tes lectures. Tu peux foutre en
l'air tous ceux qui t'aiment. Tu peux déchirer les draps et découvrir
soudain le vert rembourré des murs de la chambre qu'on vient de
t'offrir. Il y a dans tes veines plus d'énergie que dans toutes les
statues de la terre, de la mer et du ciel...
(La suite sera prochainement disponible en librairie.) |