Nous
manquons aujourd'hui à nous-mêmes. Nous avons pourtant tous le désir de
substituer à nos potentiels irréalisés un destin collectif et
individuel en France et en Europe, un grand dessein à l'échelle du
continent, afin d'éviter la somme de souffrances et de désordres qui
nous menacent. Le Renouveau est précisément cet horizon.
Nous
sommes aujourd'hui contraints — et peut-être avons nous la chance — de
comprendre le monde dans lequel nous vivons. Il s'agit d'appréhender
une réalité qui constamment semble se dérober parce qu'elle évolue
précisément hors du cadre de la lecture politique et économique
traditionnelle. Faire ce saut qualitatif, c'est se donner les moyens
intellectuels de forger les outils analytiques et décisionnels dont
nous avons besoin pour atteindre la nouvelle ère dans laquelle nous
sommes sur le point de rentrer.
La
politique a aujourd'hui besoin de se réinventer d'urgence dans les
cadres où elle opère. Ce n'est pas le contexte politique, fait de choix
électoraux parfois contre-productifs, qui doit nous y mener. C'est une
nécessité d'action adaptée à l'univers très rapidement changeant qui
nous fait face. Notre conscience des enjeux semble ne pas être
suffisamment claire. Elle doit impérativement nous commander un réveil
rapide— générationnel — car nous serions en train de nous fourvoyer
gravement si nous ne comprenions pas que sans réaction salvatrice de
notre part, nous serions appliqués en ce moment à disparaître, en tant
que peuple, culture et identité au regard d'une transformation du monde
qui nous commande une attitude presque contraire, tant nous nous sommes
éloignés de ce qu'il parait indispensable que nous faisions.
Nous
devons ajouter à notre histoire millénaire un chapitre qui soit à la
hauteur de sa profondeur symbolique. Celui-ci s'étendra sur deux ou
trois siècles au moins. Il faut donc avoir une claire compréhension de
cette évolution civilisationelle pour lui fournir les éléments de
réflexions qui lui permettront d'émerger. Nous sommes contraints de
réussir cette résurgence fondamentale et de forger le grand dessein qui
nous permettra enfin de prendre la mesure des temps que nous avons le
redoutable honneur, mais aussi la chance, d'habiter. Nous sommes en
mesure de réaliser une métamorphose de la France comme il n'y en a
jamais eu jusqu'à présent de comparables, tant les constituants de la
transformation qui s'opère sont puissants et nombreux.
Nous
sommes dans un malaise et une confusion qui sont les caractéristiques
propres de ce genre de périodes. Et nous ressentons tous et depuis
plus de quarante ans — pour ceux notamment qui étaient nés avant 1971,
mais aussi pour les plus jeunes qui l'ont toujours connu — les effets
de la crise que nous croyons traverser. Ces imprécisions et difficultés
à se situer dans un tel contexte en sont parmi les meilleurs témoins.
Le changement qui a lieu n'est pas celui d'un simple programme
politique, il est le résultat d'une lecture beaucoup plus profonde de
l'évolution des sociétés humaines. Une redéfinition du monde qui nous
intime l'ordre implicite de nous transformer.
Or
ce qui fait et définit les règles de l'action sociétale, c'est la
politique. Mais la pratique politique actuelle semble être devenue
obsolète tant elle démontre chaque jour — ou presque — son inadaptation
face à la gravité des enjeux qui nous tiennent. Elle continue à
célébrer d'antiques et immuables rites, à voguer de querelles de
pouvoir et combats de coqs, au gré des élections qui rythment le cours
de ses appareils, et elle se noie dans des enjeux politiciens souvent
creux qui éloignent les citoyens des véritables questions et de
l'enchantement et du respect qu'elle devrait normalement susciter. Elle
est une profession, là où elle devrait être une fonction, voire un
sacerdoce…
En
même temps, il n'est rien qui ne se fasse de grand sans le secours
immuable d'une nature joyeuse et optimiste. Il faut donc aux hommes qui
s'y consacrent une amplitude psychologique d'un genre très spécial et
une nature humaine assez particulière pour fournir les hommes
d'exception à même de remplir ce rôle difficile et exigeant. Une
culture véritable qui ne soit pas seulement un catalogue des
Beaux-Arts, mais une vision des leviers de la sociétés qui permettent
de véritablement transformer le réel.
Et
là, il y a une dichotomie manifeste entre les solutions qui sont
portées et celles qui devraient être portées. Pourtant il faut rendre
hommage aux hommes politiques, par delà leurs défauts et leurs
mécanismes mentaux parfois un peu artificiels, ce qui n'est d'ailleurs
pas le cas pour tous heureusement, car l'exercice politique est devenu
extraordinairement compliqué. Le rôle des médias est à ce titre un
miroir qui peut devenir totalement déformant, tant l'art de la critique
et l'esprit de contradiction sont des sports pratiqués par la plupart
des français, en particulier les journalistes. Le bashing qui tend à se
déclencher même en l'absence de raisons objectives devrait donner
l'amour de ses congénères à tous les "princes" de la terre. A cela
viennent s'arrimer les télévisions d'information en boucle, qui
grossissent mécaniquement des faits subalternes, et ne disposent pas
toujours du format nécessaire pour suffisamment traiter les questions
importantes. Enfin arrivent les réseaux sociaux et internet, et c'est
le bouillonnement de culture garanti.
Internet
et le réseaux sociaux ne sont pas des choses foncièrement mauvaises.
Ils amènent au contraire une forme de quasi-contrôle démocratique, une
forte incitation à la normalisation politique, avec l'irruption des
printemps arabes, relayés en direct dans le monde entier, et si les
régimes de Moubarak, Ben Ali ou Kadhafi sont tombés, c'est en parti du
à cette parole libre qui s'est exprimée. C'est pourquoi je dissuaderait
tout gouvernement qui voudrait s'attaquer frontalement à la sphère
internet. Le net étant fondamentalement une stratégie du contournement,
ils n'ont pas grande chance d'y résister à terme. C'est pourquoi une
certaine liberté conquise par le culot, le courage et la hardiesse,
sont nés à l'intérieur d'espaces fortement normés, voire policés.
Pourtant
ces avancées créent aussi leurs aberrations. Ce serait le cas si un
gouvernement était paralysé parce qu'il se fierait quasi-exclusivement
aux commentaires en ligne. Ce serait à priori l'honneur de la politique
de voir plus loin et de passer outre, même s'il faut tenir compte de ce
qui se dit, si les mécanismes politiques ne généraient pas leurs
propres pesanteurs et blocages. Nous souffrons d'une concentration
exagérée des élites décisionnelles. Nos grands corps sont exagérément
consanguins et insuffisamment renouvelés. Il en va de même de la
politique, souffrant de vices rédhibitoires, par son peu de réactivité
face à des problématiques qui demandent des réponses rapides, et par le
manque de perceptives à long termes qu'il soit véritablement possible
de créer au regard du calendrier. Elles l'empêchent d'ouvrir à la
société civile les possibilités qu'elle devrait normalement avoir de se
renouveler. Elle fait actuellement preuve d'une inadaptation critique,
qu'elle que soit la valeur — bien réelle — des hommes qui la
conduisent.
Paternaliste,
manichéenne, patriarcale, verticale, autocentrée, autoritaire, lente,
analogique, organisée autour du verbe et de la lettre, elle est souvent
insuffisamment respectueuse des individus qu'elle ne parvient pas à
prendre en compte sur une base individuelle. Elle présente beaucoup de
défauts qui l'empêchent d'être réellement opérante. Or la société
fonctionne déjà autrement. En avance sur les politiques, elle tend, au
contraire, à être participative, en réseaux, intelligente, horizontale,
égalitaire, rapide, civile, numérique, vivant autour de l'image et du
son, du logo et du symbole, respectueuse de la valeur de chacun. Elle a
intégré les ordinateurs, les tablettes et les smart-phones comme des
éléments constitutifs de sa grammaire propre.
Cette
émergence a pourtant bel et bien lieu dans un contexte d'adversité et
de résistances exagérées. On assiste sans cesse au même partage de
recettes éculées quant aux meilleures méthodes qui permettraient de
créer des emplois sur une base large et une croissance vigoureuse. Or
nous en avons éteint la plupart des moteurs. Il s'agit à présent de peu
à peu ré-oxygéner le corps social pour en faire fourmiller l'énergie,
en faisant en sorte que les processus décisionnels redescendent dans la
société et l'irriguent à tous les étages de ses activités. Chacun doit
devenir le principal acteur de son destin individuel.
Soit
nous irons à terme vers une dislocation des structures particulièrement
dommageable à l'ensemble de la communauté nationale, ce qui est
inacceptable. Des dérèglements qui bénéficieraient à tous ceux qui font
profession d'exploiter les tiraillements actuels. Soit nous décidons de
faire partie d'un long processus de maturation économique, politique et
culturel qui doit faire appel à l'Histoire tant économique que
scientifique car celle-ci nous tend des explications pertinentes et
nous donne des capacités de renouvellement dont nous sommes capables à
une échelle élargie. Il faut quitter l'absurde absolu auquel nous
risquons d'assister si nous ne jugulons pas les huit crises simultanées
auxquelles nous sommes confrontés.
Crise
financière, crise monétaire, crise économique, crise politique, crise
sociale, crise culturelle, crise énergétique, crise environnementale.
Dans chacun de ces domaines une analyse des réalités et forces en
présence, doit nécessairement, à l'aune des nouveaux outils
intellectuels qui nous viennent, permettre de trouver des solutions
nouvelles opérantes et effectives. D'abord savoir que tous ces
bouleversements ne sont que les symptômes de cette charnière symbolique
dans laquelle communiquent deux périodes organisationnelles dont la
nouvelle issue de l'ancienne absorbe le meilleur sans vouloir reprendre
le pire. Elles influencent nécessairement tous les domaines qui en
dépendent et produisent le paysage de relative désolation actuel. A
chacun de ces défis ses corollaires propres et ses grilles de décodage.
Chacun sera traité dans l'essai qui suit dans une conjonction de thèmes
croisés et grâce à une analyse systémique déterminante dans le contexte
exagérément éclaté des traitements médiatiques.
A
toutes ces crises s'opposent les ferments du Renouveau. Une réponse en
matière financière, monétaire, budgétaire, politique, économique,
sociale, européenne, internationale qui vient résoudre les sujets en
suspend dans tous les domaines afférents : Santé, Logement, Travail,
Education, Culture, Industrie, Innovation, Tourisme, Environnement,
Energie, etc. voient tous les éléments de leurs problématiques se
résorber face à une nouvelle vision et nouvel élan donné au Pays. Ce
nouvel horizon nous voit arrimer deux civilisations entre elles pour
les faire coopérer en des milliards de points, les représentants d'une
génération en activité, renouvelant une société qui connaissait depuis
longtemps les tiraillements caractéristiques de changements symboliques
en profondeur.
La
nouvelle économie doit être pensée dans cette perspective. L'humain
assisté par la machine et non l'inverse. Partout l'utilisation à
outrance de nos excroissances numériques produisent une nouvelle
culture et un nouveau rapport au monde. Dans ce contexte, la production
d'une véritable pensée, charpentée et opérante, relève d'un défi humain
de tout premier ordre. Il ne s'agit pas de voler le feu des dieux afin
d'en transmettre l'usage aux hommes, ce n'est pas le rôle premier de
l'analyste des choses, mais plutôt de lire et comprendre le monde afin
de mieux le faire évoluer et d'y prendre sa place au milieu des autres.
L'Histoire nous intime l'ordre de nous réinventer et de trouver un
modus vivendi pour chacun des types d'interaction sociétale que nous
serons en mesure de développer. Il faut lire cette injonction comme une
chance bien réelle de prolonger toutes les valeurs de civilisation que
nous portons et d'offrir à nos enfants et aux générations qui suivront
un monde meilleur que celui que nous aurions trouvé en arrivant.
Quand
nous aurons accompli ce saut conceptuel, placé cet étalon dans notre
champ de représentation symbolique, alors l'invention majeure qu'est le
numérique deviendra ce qu'elle est appelée à devenir : un formidable
tremplin pour la créativité ainsi qu'un puissant facteur de richesse
économique. Une fois sa puissance de distorsion démystifiée et
qualifiée, intégrée et comprise, déclinée et incorporée dans — presque
— tous les champs de l'action humaine, elle sera enfin le formidable
outil de Renouveau et de libération destiné à ouvrir à nos côtés le
millénaire.
Gilles Marchand
Paris, Mars 2014 |