Au
début était le sujet et le sujet était une toute petite chose ballottée
sur les eaux du temps, perdue dans l'immensité noire de la nuit. Une
toute petite trouée de lumière par laquelle entrait la parole de
l'univers. En ce point, centre de névralgie, portail et attente
rejointe de tous les pôles qui se fixaient, en ce lieu, le sens coulait.
Abondamment.
Les
hommes s'enfonçaient toujours plus loin dans des abstractions
grandissantes, dans la boue, dans cette fange mouvante qui recouvrait
les terres, mais à cet endroit toutes choses humaines s'expliquaient,
toutes contorsions s'évanouissaient, pour devoir réapparaître en une
longue tresse entremêlée d'images et de sons. Le parcours de toutes
vies qui couraient à même un sol piétiné, retourné,
renouvelé. En ce lieu l'univers venait se ressourcer.
C'était
une portée remplie, de la musique lovée au fond d'un cœur, un esprit
immuable transmis à chaque homme et à chaque femme, comme un cadeau
précieux qu'il faudrait apprendre à conserver.
La substance de
choix précis faits pour retourner à la vie des hommes et s'y maintenir.
A l'envie qu'ils pouvaient avoir de se réunir pour célébrer l'avènement
d'une ère nouvelle ou pour trouver à l'intérieur la solution qu'ils
portaient tous en eux.
Au début, il y avait quelques animaux,
très peu de vie, à peine un souffle, une main sur laquelle étaient
dessinés les contours mouvants de l'éternité. Une terre foulée par de
tant de saints multipliés, crevassée, labourée de plaines arides, de
sables brûlés, qu'elle en avait oublié son origine. Toute entière
tendue dans la fuite. Les anciennes incantations s'étaient tues et on
vivait hypnotisés par la soudaine accélération des mouvements ambiants.
Dans la haine et dans la violence qui s'étaient installées.
Une
phrase coulait horizontalement, versée à l'âme en longues gorgées,
mains apposées qui venaient prendre la chair et la délivrer, lui donner
un cours nouveau, plus souple et plus limpide.
Un baiser.
Et
toutes beautés confondues, toutes réserves amoindries, toutes forces
disjointes, ramenaient à l'accomplissement, au désir de tracer des
lignes claires. Un trait qui se poursuivait, courait le long du temps,
comme un conducteur saturé d'électricité.
Un écran encore fluorescent grésillait. Des diodes électroluminescentes qui cuisaient une surface encore vierge.
Ici, la vie renaissait...
L'électricité
est née de l'attirance. Elle est née du magnétisme, des bornes qui se
touchent, se tiennent un moment l'une contre l'autre, et reprennent le
cours sinueux de leur chemin à venir. Les animaux sont plus sensibles
que nous à cette variation des influx terrestres...
Dans les
dédales de Londres, une femme accrochait de la lumière à ses cheveux
pour lier entre elles les idées qu'elle se faisait de la beauté. Mais
chaque heure faisait taire les avancées de la vérité qui progressait en
elle. Ce que Jeenah faisait chaque jour, elle le faisait au milieu du
vacarme, de la fuite et du chaos installé comme un prix payé à nos
manques, à nos faiblesses, et au terme qui venait systématiquement
clore chaque nouveau pas. Chaque nouvelle action lui coûtait la perte
d'un nouveau membre et elle flottait au vent, libre, dépenaillée,
morose, salement mordue, affligée et consciente de la cruauté des
hommes à qui pourtant ces choses échappaient.
De plus loin des
profondeurs lui venaient les échos d'une enfance radieuse passée sur
une île tropicale, entre les pieds de Benjouin, les songes, et les
frangipaniers. Elle prolongeait leur souvenir comme un antidote, une
réserve d'énergie et de joie à doucement répartir sur les journées
qu'elle vivait dans la grande ville. Chaque soir elle se couchait,
brûlée au dernier degré, les membres à vif, et chaque matin elle
renaissait. Intégralement. Elle regroupait en elle ses pensées de la
nuit, la sagesse profonde qui l'habitait et venait visiter ses rêves.
C'étaient de sourdes empoignades entre une conscience forte des taches
qui lui incomberaient dans la journée à venir, la volonté de ne pas se
laisser submerger.
Cette cité, dans laquelle elle s'était fondue
lentement était une matrice de transformation du monde. De partout
affluaient les hommes et les idées qu'ils portaient. La nouveauté, un
monde en pleine gestation, bousculait toutes les anciennes croyances,
les anciennes certitudes, réinterprêtées et reconfigurées autant de
liants d'un futur qui déjà s'avançait. Elle voulait faire de sa vie un
pont entre des mondes opposés, toujours être le lien, l'intermédiaire
d'une ancienne tradition d'hospitalité. Pour elle, les différences
étaient avant tout les éléments compatibles d'une même chose, les deux
faces d'un même objet.
Sa vie coulait en un flot indistinct dans
son corps comme dans des constellations d'étoiles ramifiées. Elle ne
voulait pas de la fatalité qui s'installait pour certains quand ils ne
trouvaient pas ceux qui pouvaient les sauver de tant d'imprécisions,
quand l'esprit s'effaçait et acceptait malgré lui de baisser les bras.
Jeenah n'était pas prête à voir les choses sous cet angle. Elle était
volontaire et sortait le samedi soir pour aller travailler à nouveau à
Camden, quand son boulot officiel s'achevait. Elle n'était même pas
sure de son propre nom. Elle ne voulait pas voir son amour se détacher
d'elle comme de gros blocs translucides et aller buter contre les
parois du récipient étroit où elle végétait. L'amour était une chose
qu'elle s'était inventée pour elle-même et que sa vie avait
progressivement fait entrer dans chacune des fibres qui la composaient.
Elle en était un porte-étendard et cette profondeur outre-marine
surnageait en elle à son insu. Elle ignorait les sentiments mitigés qui
animaient les autres, et elle ne voulait pas en être un des éléments
moteurs, rattrapée par la sollicitude d'une culture créole dont tout
l'exotisme pouvait reposer sur des épaules aussi fragiles que les
siennes.
La lente maturation de longs processus de création lui
avait petit à petit donné cet aura dont elle ignorait le centre. La
substance incarnée qui se promenait librement dans les rues anonymes de
la ville, inconsciente et insouciante, à des milliers de kilomètres de
toute espèce d'inquiétude, elle échappait à une réalité qui était
essentielle aux yeux de ceux qui dominaient ces lieux. De fait, elle
était protégée sans même en avoir conscience. Elle portait en somme
quelque chose qui leur appartenait. Elle portait les clefs du paradis
qu'ils cherchaient pour la plupart comme une simple lecture qu'elle
n'avait qu'à faire en son for intérieur pour y trouver des réponses.
Elles y étaient inscrites comme autant de passes et de sauf-conduits
pratiques, mais elle ne se doutait pas de l'étendue et du poids du
regard qui peu à peu venait se poser sur elle. Un œil noir ou
bienveillant. Une froide sollicitude ou la pure merveille d'une
fraternité intelligente et consciente dont elle partageait chaque jour
et les centres d'intérêts et les enthousiasmes, les coups de cœur et
les colères.
Elle venait d'un monde différent de celui qu'elle
habitait. Ici, à Shepherd Bush, les magasins étaient constamment
ouverts la nuit sur des vitrines remplies de petites paquets
multicolores et de bouteilles de lait frais. Et sa joie et sa
générosité pouvaient bien renaître quand elle croisaient ceux qui
étaient originaires du même ailleurs qu'elle, l'essentiel, finalement,
de ce qui composait cette ville, son degré d'extériorité et à ce
qu'elle avait, pensait-elle, toujours été. La cité bénéficiait du bout
des doigts et des dents de ce qui lui venait de différent, comme de
tous ceux de son engeance. Elle refusait parfois de changer, ignorant
alors, que ce qui la composait réellement, c'était cette aptitude à
constamment se modifier. Ce permanent bouillonnement était l'essentiel
de son activité. Une voix dans le monde, un point nodal, un centre
nerveux du futur en train de naître. Et les arabes des épiceries
l'accompagnaient dans la rue sur son passage. Ils connaissaient mieux
qu'elle aurait pu l'imaginer, cette fille étrange qui détonait, alors
que finalement, elle pouvait passer pour n'importe lequel des
habitants, ou presque.
Elle savait qu'ailleurs existait un
monde qui, pour les autres, n'existait pas. Elle sentait confusément la
colère, la haine qui montait, les dents qui se découvraient, et elle
voulait trouver en elle des ressources qui lui répondent par des actes
de beauté, même chancelante. La beauté si forte d'une intime chaleur.
La vision d'un lieu où revenir.
Une nouvelle histoire à vivre.
Elle
refusait aussi cette attente infligée, cette déprédation ressentie
comme une atteinte à ce qu'il y avait de plus précieux, de plus vivant
en elle. Elle posait en face de chaque nouveau pas un pas ancien qui
lui avait coûté des victoires fragiles : c'était sa foi, une croyance
chevillée au corps en la bonté de ceux qui l'entouraient. Dans les
chansons elle entendait que oui, à Paname, tout pouvait s'arranger...
Qu'un arc en ciel pouvait illuminer le ciel juste après un orage noir.
Elle croyait en la perceptivité de ceux de cette ville. Elle croyait,
même si la justice lui apparaissait parfois comme une chose à
constamment réinventer, en cette capacité des autres à entrevoir le
mérite et la qualité des gens qu'elle accueillait.
Jeenah
portait en elle un avenir qui n'était pas une autre manifestation du
désordre ambiant, une version réactualisée de la vie et du bonheur de
la vie, enfin comprise, enfin retenue dans un amarrage bancal qui
l'attirait. Corde et corps entremêlés se rejoignaient au-dessus du vide
pour parfaire l'intrusion du doute, de l'illusion devenue seule forme
habitable de vie, et la parfaite construction qui étincelait au soleil.
Elle rayonnait dans le noir. Elle rayonnait dans la lumière. Ce chemin
était le sien et elle était nourrie de données si riches que chacun de
ses membres en tremblait. Elle bougeait au rythme sourd de ses bases
primitives d'où pouvait enfin s'échapper la colère et le stress pour
laisser jour à la force qui désormais l'habitait.
Jeenah
existait à cent pour cent et crachait la hargne et la haine qui lui
tordaient les tripes, son ventre noué, perclus de douleurs enfouies,
cette voix intérieure, erraillée, rauque, qui lui brisait l'échine et
ramenait ses forces à un stade de désespoir ami où elles semblaient lui
échapper. Elle se construisait en permanence dans ces couloirs qui
semblaient nous intimer comme une pression, l'ordre implicite de ne
jamais se sentir tout à fait bien, alors que, précisément, les choses
pouvaient s'arranger parce qu'il était une nécessité stricte qu'elles
s'arrangent. Elle était l'exact opposé, l'image inversée d'un négatif
qu'elle venait leur accoler pour créer comme une harmonie, une balance
renouvelée. Quand nous étions en divorce avec nous-même, elle qui était
en parfait accord avec elle-même ; elle ne faisait que de souhaiter
voir les autres accéder à cet équilibre nouveau.
Tant d'amour et
tant de haine partout. Elle voulait sentir son amour renaître en elle.
Elle voulait propager de l'espoir qui l'habitait et revendiquer son
droit au respect, à la confiance, à la loyauté et à la tolérance. Mille
voix lui parlaient de mort sous toutes sortes de prétextes et elle leur
parlait de vie. Et surtout elle n'avait pas peur des tourmentes qui
pouvaient nous venir. Elle savait depuis longtemps que tant qu'il y
avait un espoir, une situation pouvait changer. Tout l'apprentissage de
sa vie consistait à transformer la fatalité en providence et la
providence en bonheur. Ce qui nous immunisait disparaissait quand la
peur faisait ses grands lavages de printemps ou d'élections. Il nous
fallait reprendre confiance et souffle en nous. Nous avions de grandes
ressources, nous habitions au milieu de véritables trésors, croisant au
fil de nos allers et retours de vrais chefs-d'œuvres. Les pierres
précieuses de châteaux et de monuments. Les hommes et les femmes qui
composaient ces contrées lointaines constamment dénigrés,
constamment critiqués, venues tenter leur chance étaient enfin en
mesure de s'exprimer.
Pendant ce temps, des forêts brûlaient.
Les hommes s'enferraient toujours plus profond dans leurs oppositions
et différences, mais la terre se craquelait et les troupeaux
cherchaient toujours plus loin de nouveaux points d'eau. Jusqu'à
l'absence. Jusqu'au rien sans retour.
Et nous étions contaminés.
Nous nous contaminions les uns les autres. Par esprits toujours plus
poussés dans le sens d'une logique d'exclusion qui nous échappait, la
terre s'empoisonnait. Le sol se mettait à regorger de produits
toxiques. Les stocks s'accumulaient. Une forme d'essence qui évacuait
l'existence de ceux qui s'y attachaient.
Un passif qui s'alourdissait.
Le
contrôle quittait les mains des seules personnes qui pouvaient le
défendre et leurs membres se tordaient, leurs bouches ne trouvaient pas
les mots nécessaires. Elles se refermaient sur le vide d'un abandon. La
remise en cause d'une harmonie bancale où l'on remettait à autrui la
charge d'assumer ce qu'on était.
Dire que les repères
s'effaçaient était presque une découverte rassurante. On accentuait les
doses de morphine dans les membres amputés. Cœur et corps paraissaient
pourtant avoir gardé leur intégrité. Mais cette société était morte et
elle continuait à vivre sur les images qu'elle entretenait de son
passé. Il était pourtant essentiel de garder vivant ce qu'elle avait de
meilleur. Jeenah, elle, buvait à la source les éléments d'un futur dont
tous pourrait se nourrir.
Les icônes sacrées paraissaient
encore animées, peut-être même dotées de vie... Il fallait une décharge
immense de compréhension et d'intelligence. Un immense retournement de
l'idiotie. Ailleurs, autour de nous, les eaux étaient polluées, les
rivières fumaient étrangement, les pluies acides bouffaient doucement
les sapins et, chaque jour, les rats se disputaient pour un quignon de
pain, un bout de saucisson, qui traînait. Ils tiraient chacun dans des
directions opposées, gestes du cou et de la tête. Ils se déchiraient
sans comprendre qu'ils avaient à s'aimer.
Mais il n'était plus
question d'amour. Il était seulement question de puiser toujours un peu
plus dans ce qui restait. Chaque jour, ils se remettaient à alimenter
leurs haines corrosives, leurs ciels de traîne brouillés, leurs
sillages défaits...
La trame finissait par affleurer...
La
comédie sanglante reprenait le pas sur la raison. On était dans le
noir, y compris, et surtout, dans la lumière RVB. Dans les franges
luminescentes où se noyaient nos visages. Dans un sens du factice et de
la propagande où la vérité tentait de surnager.
Pendant que les
discussions étaient ajournées, le vent redoublait d'ardeur à travers
les foules. Il grignotait à même la peau et les fibres de leur écorce,
les arbres condamnés par ceux qui étaient censés les sauver et dont
c'était le métier. Pompiers pyromanes comme si souvent...
Et
nous, spectateurs, étions désormais incapables de retenir ces
événements comme si, par voie de conséquence, nos esprits embrumés par
de trop de ruminations stériles refusaient soudain d'obéir aux souhaits
de notre désir. Notre mémoire s'effilochait quand les ordinateurs se
souvenaient du moindre détail de nos gestes et décisions.
On
versait lentement dans une sorte de vertige flamboyant dont rien ni
personne ne semblait venir nous extraire, nous désengluer. Autour de
nous dansaient des formes et des symboles changeants, des rires et des
grimaces, des objets et des machines soit-disant intelligentes qui nous
emprisonnaient insensiblement.
Leurs concerts d'images et de
signaux sonores se perdaient en fausses caresses virtuelles et fausses
vibrations animales, en fausse chaleur humaine. Elles venaient
s'insinuer entre nous et ceux que nous aimions pour doucement prendre
leur place. Un hôtel disparaissait. Un pont s'effondrait. Une femme se
faisait exploser dans un mariage.
Et nous nous retrouvions alors
seuls, enfermés dans des déserts aseptisés, des bulles hermétiques dont
aucune preuve d'amour, même sincère, ne semblait nous permettre de
sortir. Plus rien ne nous délivrait de nous mêmes et des culs-de-sac
mentaux où nous étions enlisés.
Une conscience géante qui se
trompait de but annihilait les autres à très large échelle. Tous les
hommes et toutes les femmes intelligentes étaient consternés. Les
solutions semblaient avoir été détournées...
Les outils
arrivaient. Les idées se mettaient en place. Les esprits se parlaient
et préparaient ce qu'ils avaient déjà accompli plusieurs fois au cours
de leur histoire. Une énergie, encore indirectement sensible, courait à
même la terre et le ciel. Un brasier, une compréhension pacifique, mais
informées et sans concession. Elle voulait trouver l'homme qui saurait
partager ses jours quand se levait le jour après de trop longues phases
d'obscurité. Un homme, un animal était venu partager un moment avec
elle.
Elle gisait en croix sur son lit, écartelée, les cuisses
rougies de caresses trop appuyées, de presque coups de poings reçus
comme des rafales de gifles. Jeenah se retirait, se rétractait dans une
position de repli fœtal qui la faisait tourner dans la pièce comme une
planète oubliée aux confins du système solaire. Cette relation
l'oppressait mais elle savait bien qu'elle ne craquerait pas. Elle
buvait sans réfléchir le bourdonnement qu'émettait un téléviseur dans
l'appartement voisin. Malgré son malheur, elle souriait car elle
s'enivrait encore davantage d'être vivante. Elle se sentait entière et
saurait passer sur cette injustice. Elle se relevait d'un bond et
hurlait un cri une seule fois mais terrible. Sa peine pouvait
s'épancher et sa joie se découvrir à nouveau. Comme une possibilité de
se tromper, rencontrer des hommes qui n'en valaient pas la peine, comme
de savoir que celui qu'elle cherchait existait et qu'à cet instant il
n'était peut être plus très loin.
Elle croyait aux miracles,
elle croyait à la chance. Elle croyait presque au Père Noël. Cet esprit
enfantin qui restait en elle lui permettait de déplacer n'importe
quelle montagne. Elle était triste à l'idée des malheurs auxquels elle
était confrontée, mais elle savait qu'ils inauguraient nécessairement
des bonheurs plus grands, des instants enfin heureux qu'elle avait hâte
de connaître.
Plus loin, la ville plongeait dans le vide. Elle
disparaissait dans ses tours de passe-passe, et ses habitants étaient
parfois emportés au loin longtemps avant de pouvoir revenir. On vivait
alors dans des hôtels éloignés en attendant l'apaisement du courroux
paternel. Puis un jour on s'apercevait que l'on se ressemblait et que
l'on se manquait, et les fils prodiges rentraient à la maison après une
fête mémorable dont on gardait la trace pour toujours. Les refrains
parfois semblaient être trop loin. Trop d'endroits clignotaient. Trop
de lieux qui demandaient à mastiquer leur petit quota de proies
quotidiennes. Il fallait alors que s'établissent les nouvelles lois et
les nouveaux usages. Trop de tapis verts, trop de mondes qui ne se
comprenaient plus. Trop d'écrans que personne ne contrôlait. Trop de
messages qui passaient inaperçus. C'était le lot de l'univers. Trop de
mots dont on ne comprenait que trop tard la véritable signification, le
sens caché, la vie qu'ils auraient pourtant permis de protéger, de
sauver à temps. Son geste, sa pratique consistait à trouver un moyen de
faire légèrement dévier cette logique pour donner un sens à cette
ébullition permanente. Trouver des points d'ancrages. Essayer de peu à
peu combattre ce qui combattait les hommes, les réduisait, leur faisait
perdre leur dignité ou leur liberté. L'ignorance intervenait tant dans
cette vague quotidienne de mauvaises nouvelles, et la bêtise. Elle
s'était promis de lutter contre sa propre idiotie.
Les gestes et
les croyances inscrites en eux les dirigeaient. Ils ne demandaient qu'à
se déployer dans l'air, à l'extérieur, là où on les attendaient,
partagés entre la fureur, l'angoisse et l'incrédulité... Puis les
choses enfin se mettaient à l'endroit. On apurait les plaies. Les corps
cicatrisaient. Les scarifications disparaissaient sous des tissus
légers et doux. On rétablissait les communications.
Ceux qui décidaient des sorts ambiants rencontraient enfin ceux qui comprenaient ce qu'il fallait faire.
On
vivait au milieu du tout et du rien, indifférenciés, accolés, sans
vraie limite et il importait d'équilibrer ce qui devait l'être. Ils
s'étaient trop longtemps passé des explications qui les auraient aidés,
qui leur auraient peut-être permis d'évoluer, de rendre supportable
l'insupportable qu'ils accumulaient chaque soir et la façon dont il
venait à eux, sans explication, sans apparemment avoir de lien direct
avec le reste. Un flou indifférencié de micro-événements dont certains
dépassaient les autres en cruauté par l'esprit et la conscience qu'ils
semblaient trahir.
La violence qui, chaque jour, débordait des écrans...
On
crachait à l'atmosphère. On déversait son trop-plein de résidus dans
des vannes étroites qui s'engluaient. Les mers enserraient des îles qui
disparaissaient lentement, les glaciers se mettaient à bouger tous
seuls, à fondre pour un rien, sur l'équivalent complet de pays. Et on
restait à siroter nos boissons sucrées-salées dans le fond de bars ou
d'agences qui nous abritaient du monde extérieur auquel il fallait
surtout que nous ne pensions pas, et on s'imaginait pouvoir toujours
vivre sans se poser les quelques questions minimales qui nous auraient
pourtant permis de survivre. Prière de pas déranger. Un rendez-vous la
semaine prochaine ? Impossible. Ces jours-ci, je suis occupé à
disparaître...
C'était bien entendu inadmissible. Que l'on se
fasse du mal au nom de cette conscience imparfaite des choses. En ce
point et en ce lieu précis de l'univers, ville ouverte et fermée sur
ses principes déraisonnables, sur son absence de raison et de capacité
d'écoute pour les plus faibles. Ici comme ailleurs. Jeenah pleurait
souvent sans savoir pourquoi mais elle comprenait que la joie lui était
nécessaire, une joie de certitude, une joie qui s'appuie sur des
raisons valables de se réjouir. Elle se posait parfois la question.
Suis-je devenue trop sensible ? Ou pas assez. Il lui fallait trier ses
sentiments pour que jaillisse la source claire de son âme. Elle
déchiffrait un accord comme le retour des alliances conclues. Quand le
monde devenait fou, il fallait relire les textes essentiels, consulter
les sages, refaire les imposées. Et c'était là son rôle. Mais chacun
poursuivait sa propre quête, avait ses propres intérêts, ses propres
déformations intellectuelles. Elle rencontrait alors des gens
extraordinaires, qu'elle estimait et qui parfois la rejetait sans
qu'elle y voit une raison véritablement valable au regard de sa vie, de
ses accomplissements. Elle était devenu le pendant négatif, le
réceptacle absolu de la noirceur du monde, une noirceur qu'elle
réduisait dans le creuset incandescent de sa volonté, jusqu'à en tirer
un alliage brûlant d'or pur. Oui, elle attendait de rencontrer l'exact
opposé de ce qu'elle était, pour enfin devenir ce qu'elle était
vraiment.
Quand cet homme serait là, ils pourraient alors se
joindre comme les ailes d'un papillon libre de sortir de sa chrysalide
et de fusionner. Un univers attendait de s'abandonner dans un monde
opposé. Une jonction, l'articulation dans le temps de ce qui nous
venait. Que se répande en elle la promesse d'en former un troisième,
entier et renouvelé, fruit de leur union. La paix était comme ce bébé
qu'elle espérait. C'était un miracle qui pouvait se produire. Il se
produisait ponctuellement, puis au sein des esprits qu'il sauvait. Elle
le portait dans son corps sans que rien, pour l'instant, ne se soit
produit. C'était l'apaisement de deux fureurs qui devait se faire.
Le
monde se défaisait sans cesse et, chaque soir, une main experte venait
se poser sur chacun des fils noués et lentement tirer chacune des
épingles qui le faisait souffrir. Ce curieux maléfice du mal mis au
monde qui s'arqueboutait pour mieux réduire ce qui était encore sain.
Elle vivait en apnée, sachant que chaque bouffée lui permettrait
d'aller plus loin et de rejoindre ce fameux monde inversé, ce monde
masculin en guerre quelque part entre deux rangées de montagnes. Issu
de la guerre des sexes comme de celle des hommes. Une mêlée dont
naîtrait une identité qui puisse réaliser la parfaite cohésion de deux
âmes. Le but caché, transcendantal, de deux vies.
Elle se
mettait en danger si elle n'ajoutait un soupçon d'esprit à ses gestes,
de réserve à sa foi. Elle évacuait son besoin de mieux se comprendre et
d'avoir une meilleure connaissance de ce qui composait le corps dont
elle était issue. Le parfait souvenir de l'enfance délaissé comme un
ornement dont on vous dépossède. Mais le soleil radieux des origines,
l'amour d'une mère aimante inonde en chaleur les sensations initiales.
Refusant
de brûler l'antique sagesse des dieux ou exagérant la puissance des
hommes, elle se retrouvait au même point : celui de sa propre
destruction et de celle de son milieu si elle ne parvenait pas à
endiguer les marées qui lui venaient et l'arrachaient à son quotidien.
Et nous serions tous à ce point du réel à un moment donné qui nous
serait repris. Une plaie ouverte, un champs de prières mal exaucées :
c'était ça. Chaque mouvement allait aussi dans l'autre sens comme un
paradoxe ouvert qui nous défigurait. Mais elle tenait bon entre deux
moments de découragement. Elle résistait depuis si longtemps que se
battre était devenu une seconde nature. Constant raidissements d'une
nature duelle qui se reconstituait toujours. Qui aspirait à son propre
dépassement.
Cette vision scindée de la vie n'était pas censée
évacuer la nuance. Variety is the spice of life, le sel de la terre.
Revenir à la nuance s'exprimait quand chacun transmettait des messages
toujours plus nombreux, sans qu'aucune explication personnelle, jamais,
ne vienne lui répondre.
Chaque chose s'adressait à tous et à
personne. Et soudain l'éclaircissement, l'élargissement d'un champs de
conscience. Un changement presque brutal qui ouvre les portes de la
perception et offre en retour le contact tant attendu de la réponse du
monde. Quand les dieux veulent vous punir, ils exaucent vos prières
disait Karen. Enfin claire, enfin personnelle, la parole de ceux que
l'on aime, talent et génie des autres qui parfois apparaissaient à la
fenêtre, dans lesquels elle aimait à partager une compagnie. Elle
rêvait d'autres manières de se parler et d'être ensemble et ces autres
manières de se parler et d'être ensemble s'élaboraient à mesure qu'elle
rêvait. Elle aimait la compagnie de ceux qui faisaient cette époque
sous nos yeux. Le monde avait répondu. Le monde avait donné naissance à
une autre forme que lui même, plus humaine, plus véritable, d'abondance
et de foison. Richesse extrême d'une extrême profusion qui s'épanchait.
Au véritable influx symbolique d'un parcours d'une exceptionnelle
densité, ce poids extrême était léger pour qui était heureux et se
levait chaque matin curieux de ceux qu'il pouvait espérer connaître et
de leurs vérités. Dans l'afflux soudain, enfantin, de la curiosité,
telle était prise au bonheur d'aimer. Le monde avait délégué ses
ambassadeurs, ses portes-parole, ses artistes, ses philosophes, ses
penseurs, ses hommes politiques, ses sportifs, ses scientifiques et
Jeenah accueillait cette manne comme la félicité à laquelle son
éducation, pourtant, ne la prédisposait — apparemment — pas.
Elle
prenait ce temps de compréhension en matière préhensile qu'elle
modelait pour forger entre ses mains la nouvelle entité des temps
présents et à venir. Le geste de la métamorphose et l'esprit du
Renouveau s'échafaudaient en elle. Elle retomberai brûlée par cet
effort démiurgique, bannie, punie d'avoir dérobé ce feu et ne
retrouverai sa forme humaine, vivante, simple, qu'en obtenant de ses
frères et sœurs l'assentiment qu'elle avait toujours cherché. Elle ne
reprendrait sa forme originelle qu'en restituant à ce monde ce qui lui
venait de lui, elle lui retournant ce qu'il lui avait donné de lui, sa
beauté inouïe, son génie phénoménal, harmonie et concert des hommes
trouvant en eux des points d'unisson, une mutuelle compréhension, la
chance de célébrer ensemble la source intarissable de joie qu'est la
fraternité humaine quand elle se met à exister et vient se lover dans
le cœur d'une femme, une félicité que toutes et tous peuvent partager
avec elle, comme la lumière d'un astre qui revigorerait la terre puis
se transformerait en un être humain, différent comme nous tous et
semblable à tous les autres. Jeenah pose sa main sur sa poitrine. Elle
sourit. Mon cœur est enfin empli. Sa sourde plainte s'est tue. Un calme
nouveau désormais m'habite. J'ai été acceptée once par le monde et je
n'ai pas besoin de plus. Je connais la réponse essentielle, celle de la
forme de bonheur à laquelle j'aspirais. J'ai trouvé ce que je n'ai pas
eu besoin de chercher. La violence de mon père s'est éteinte en moi.
Les insouciances du début, l'incompréhension de la vie et les peines de
la pression sont évanouies. Je peux enfin vous rendre ce qui vous
appartient. Votre lumière, la beauté de ce que je vois et de ce qui m'a
été donné au fil des années.
L'amour, pourtant, était encore
présent dans ce monde. Plus que jamais. Elle l'attendait. La noirceur
des sentiments qui partout éclatait en touches froides, indistinctes,
en désirs incontrôlables, venait se briser contre des tempéraments et
des esprits optimistes qui avaient su préserver ou ne pas ternir leur
attrait pour les autres. La somme des bontés rencontrées l'emportait.
Le
bricolage de l'univers s'achevait après n'avoir longtemps connu que des
moments de répit plus ou moins longs qui permettaient à ceux qui en
faisaient l'expérience d'apprendre de nouvelles choses, de forger de
nouvelles qualités, de nouveaux repères qu'ils réussissaient tant bien
que mal à constamment multiplier, renforçant la connaissance qui leur
serait un jour nécessaire pour trouver les remèdes à employer. Au-delà
des déserts qu'ils traversaient et des flashes obsédants qui les
meurtrissaient, des retours gagnants dans l'atmosphère familière de
leur ville paraissaient négociables.
Ceux-là se disaient que les
lagons pourraient être renfloués comme des navires que l'on place en
cales sèches pour qu'ils soient réparés par les meilleurs charpentiers
et contre-maîtres. Chacun d'eux se posait une question taraudante :
était-il trop tard pour sauver la planète ? Cette vieillerie de la fin
du monde était-elle une manière exagérée de rendre compte de ce que
l'on observait ? Les ours polaires se noyant. Qu'est-ce qui
pouvait, devait suffisamment être changé pour que des résultats
tangibles finissent par apparaître ?
Comme une image du bonheur
venant remplacer les idées qu'on se faisait autrefois de la réussite.
Dans le vide ambiant comme dans l'hyper-densité, trouver une raison de
reprendre un flambeau tombé au sol, dans une nuit de boutiques,
un éclat de pierre friable rendu précieux de générosité chevillée au
corps. La comédie de l'argent reposait de plus en plus sur des réflexes
bénévoles.
Il se dématérialisait sans nous laisser d'autre
manière de subsister. Il fallait bien que l'on invente de nouvelles
façon de vivre, d'autres voies d'échange. Le commerce, lui, se
déplaçait vers les sites internet. Elle était nostalgique des contacts
qu'elle avait dans les magasins.
Et nous étions tout-puissants
et nous ne le savions pas, même si ces pouvoirs s'arrêtaient là où
commençait ceux des autres. Il nous fallait alors apprendre à modifier
des attitudes qui excluraient autrui, sans pour autant effacer de sa
vie le volontarisme et l'envie de réussir. Laisser libre cours à une
ambition qui respecte les autres, quitte à faire preuve d'un instinct
de champion désireux de laisser une trace solaire aux yeux de tous.
Savoir alterner la modestie et le talent de donner le meilleur.
Restreindre les forces chaotiques qui nous auraient empêché d'exercer
notre métier d'homme. L'exigence de l'excellence comme une faculté de
s'oublier au cœur même d'une réussite évidente.
Chaque jour se
refaisait sans pouvoir se satisfaire de lui-même. Il ne reconnaissait à
aucune tentative d'explication la force d'être durable. Il ne
permettait à aucun repère d'approcher un sens qui soit satisfaisant. Il
gommait sans cesse les traces de pureté, de beauté et d'amour si ces
traces de pureté, de beauté et d'amour semblaient devoir trancher dans
le vif du sujet. On se méfiait de ce qui aspirait à devenir pur.
Et
pourtant cette pureté souhaitée était l'alliage d'une secrète alchimie
qui nous sauvait et à laquelle on conviait ses frères et sœurs. Rompre
l'absence concrète de réalité, les dérivatifs que nous traînions si
complaisamment. Aller toujours plus loin dans des abstractions creuses.
Perdus sans explication ni mise en perspective de ce que nous voyions.
Ceux qui tendaient les pièges se croyaient à l'abri de leurs propres
stratagèmes.
Ils ne l'étaient pas...
Mais ils faisaient
comme les autres : ils essayaient de se convaincre qu'ils avaient
raison. Sans jamais trouver les moyens de distinguer ce qu'ils ne
comprenaient pas eux-mêmes.
Chacun de ces hommes était
soumis aux pires épreuves. Il flottait dans sa tête et dans son esprit
comme dans un mélange corrosif de sentiments flous et de visions amères
qui le rongeaient. Elles le cuisaient aussi âprement qu'un acide. Une
substance qui dissipait toutes les traces d'ingénuité et d'enfance
enfouies en lui.
Ceux qui riaient étaient pris pour des fous. Quelque chose qui taraudait une absence obligatoire de substance.
Ceux
qui pleuraient étaient fuis. On les craignait comme on craignait de
croiser dans un miroir l'image trop claire de ses hantises.
Mais
il était tellement bon, aux yeux des autres, de se sentir mal... Ce en
quoi elle était un vivant démenti. Tellement bon de se déculpabiliser
par un moyen ou un autre. Il y avait toutes sortes de ficelles. Tourner
autour du monde en bateau, peindre des femmes nues, boire des
hectolitres de vodka au bar du coin, toutes choses que lui ne faisait
jamais. Elle était arrivé, Dieu sait comment, dans cette ville et elle
prenait chaque jour un peu plus conscience de ses dimensions réelles.
La valeur des hommes et des femmes à laquelle elle lui était pourtant
si difficile d'accéder alors qu'il lui était si facile d'assister à ses
mises en scène comme à ses moments de vérité, parfois factice.
Joshua
n'était pas de ce monde. Pas tout à fait. Il venait ici comme n'ayant
pas de nom. Il ignorait qu'il déplaçait avec lui une légende d'une
profondeur invraisemblable. On l'avait fui comme si on craignait de
changer les données d'un jeu que sa seule présence modifiait
insensiblement chaque jour un peu plus.
Il remerciait le ciel de
s'être à ce point soucié de lui, même s'il avait crevé de solitude,
crevé du manque d'amour et vécu dans des conditions difficiles.
Traversé les pires épreuves. Le rôle qu'on lui avait assigné était
étrange. A la fois, magique, asséchant, inquiétant et ultra-gratifiant,
celui d'un bonheur qu'on ne pouvait jamais réellement atteindre. On
vivait quand on était comme lui dans une constante indécision des
formes qui faisait que l'on atteignait jamais la terre promise de
l'accomplissement. Mais il s'était toujours régénéré au contact du
foisonnement bouillonnant de cette ville qui attirait tous les
artistes, et curieusement, il avait souvent éprouvé la sensation d'être
ravi de sa vie.
De rares ennemis, de vrais amis et la promesse
d'un amour à venir. Il parvenait à assurer l'essentiel entre eux. Vivre
de son espoir comme de l'amour qu'il réservait à celle qui viendrait,
le polissant comme la chose la plus précieuse qu'il avait à offrir.
Ailleurs,
rien ne venait jamais démentir la force brutale des lâches. Retranchés
derrière leurs murs d'épaisseurs et leurs armes de pacotille, ils
écumaient l'esprit de ceux qui s'avançaient nus en les réduisant aux
limites de leurs corps. Ils croyaient pouvoir les emprisonner dans une
matière à laquelle, pourtant, ils échappaient. Se fichant d'être
fichés, ils agissaient selon les principes d'une ancienne sagesse...
Fondant dans l'airain les règles que leur dictait leur intime
conviction.
Ceux qui aimaient traversaient la mort comme on
traverse le feu : rompre le pacte pour mieux le sceller. Ils
renaissaient à eux-mêmes dans un ailleurs où la chaleur se prolongeait.
Au creux de la lumière comme au centre des flammes, ils
brûlaient d'une volonté intime de se fondre aux autres, d'un
immense désir d'aimer leurs identiques et leurs différents. De plonger
sans retenue dans l'invraisemblable compatibilité génétique, physique,
émotionnelle, amoureuse, intellectuelle du genre humain.
Ceux là étaient sauvés.
Leur
caractère les immunisait face aux maux qui couraient à même la terre et
venaient parfois du ciel. Opportunistes ou endémiques les dangers
déformaient tout ce à quoi nous tenions. Mais nous avions appris à
vivre en présence de ces menaces. Notre détermination ne s'accommodait
que rarement des milliers d'écueils au milieu desquels nous naviguions
depuis si longtemps. Ils venaient à nous sans avoir besoin de viatique
ou d'autorisation.
Ceux-là traversaient le feu comme on traverse la mort... Comme les marcheurs de Cavadis en Inde...
Deuxième partie
Troisième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Sixième partie
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