Transmission accomplie
 
Transmission accomplie

Un prolongement qui va courir dans les moindres anfractuosités. On se disperse, Monsieur fils. C'est le bon moment. Une période de relative accalmie. Un besoin de récupération, if you want my regard. Comme une trêve avant un nouveau cycle que l'on voudrait éloigner de soi. C'est cette terrible insinuation de la nullité, de ce qui tache, de ce qui se cache et finit par apparaître dans la poussière et le dénuement. Une coulée de salissures collantes, des immeubles atteints, des couloirs qui sont jonchés de gravats. Sclérose visible. Une chaîne abîmée dans l'ordre des choses. Et les petites mandibules vont et viennent. Des commentaires pour ne rien dire. Des allusions pour ne rien comprendre. S'éloigner à nouveau du sens, pourtant si présent. On voudrait réétaler cette couche de flou qui dispense de réfléchir. Ne rien comprendre. En être fier. Etre poussé à le faire. Voir les journées s'aligner, sans autre réaction de l'univers. Et pourtant. Cette substance qui crève les yeux tellement elle est présente, toutes ces choses en retour, cette mise en apposition du monde qui soudain s'ouvre sans qu'on le lui ait demandé.

La conscience vient se poser, s'agripper au réel comme un insecte. Deux pattes velues, des griffes, un ou deux organes préhensiles. On n'a pas répété mais la sensation est bien là. C'est cette capacité de voyager dans les moindres recoins. Total recall. Les formes et les signes. L'intelligence de tout et surtout pas de tous. Des marées d'idées qui se précisent. Une liaison secrète avec tout ce qui se fait et tout ce qui se dit. Des atomes partagés. Une engeance spéciale qui tarit les tentatives de dispersion. Cette beauté tangible du désir qui répond à un désir depuis longtemps enfoui dans chacune des molécules qui vous entourent. Une compréhension, le résultat d'un apprentissage de la vie. Vous pouvez, vous en êtes capable. Mais vous avez en vous cette autre nécessité. Un autre contrat qu'il faut bien que quelqu'un remplisse. Cette poussée de fièvre et le prolongement de toutes les effluves qui se croisent et dérivent sur les pans nouveaux de la réalité. Ce sur quoi ils buttent, vous le dépassez. Cet état de conscience que vous récupérez comme un agrégat qu'il faudra partager. On peut bien stigmatiser ce qui n'est qu'une construction dans le temps.

La volonté qui vous habite.

Vous savez que le but est différent. Inscrit autrement. Vous buvez directement cette entité glacée et chaude à la fois. Le contact des extrêmes, comme une connivence avec un espace plus large, une vision qui se détache et s'attache, s'intensifie, amplifie ce qui l'entoure. Prenez cela. Cette compréhension est d'un autre ordre. La plongée absolue dans le temps quand toutes les âmes, celles des disparus, des présents et des venants se mettent à vibrer ensemble et vous remplissent comme une outre, un récipiendaire compliqué, aux bassins de décantation infinis, ramifiés et changeants. La vie qui vous habite vous habite d'une manière qui n'est pas orthodoxe. On scrute autour de soi avec une autre acuité.

Il y a quelque chose d'inhumain en vous.

Cette part du monde transformé qui vous habite, vous déchire, il explose chacun des compartiments pour les reconstituer ensuite. C'est cette beauté de l'effort à faire qui ne se définit que par une approche du sensible. Un remplissage secret. Dans quels vêtements viendra t-il à vous ? De quelles solutions vous privera t-il ? Vous poussez plus loin la substance reçue. Comme un cadeau obscène et une part cachée qui manque aux esprits environnants. Bouger en des termes qui vont et viennent. Changer des mots qui se bousculent. Ces territoires, vous les habitez dans une stance que vous reconnaissez. Il faudra que vous voyez cette forme. Cette intangibilité qui se décline selon tous les modes. Aucune urgence. Aucune nécessité, même des plus évidentes. Ce qui vous tient peut tordre n'importe quel métal. Ces possessions sont des endroits qui se transforment. Lien entre les vivants, reconnaissance et explication de ce qui manque encore, et qu'on ne maîtrise pas facilement. C'est cette poussée exacte qui vous retient. Trop belle dans ses formes ultimes, elle ne fait que vous entourer, elle ne fait que vous ressourcer. Vous pouvez lâcher prise. Vous pouvez lui donner les formes que ne prendront jamais aucune sculpture dessinée par un humain. Contact direct. Prise totale, vous bougez à l'intérieur. Chacun des senseurs est en alerte et peut servir de relais.

Chaque brique pourra vous aider à rallier des endroits que l'on pensait hors d'atteinte.

Et les petits potentats sont pâles, les petites brimades disparaissent. Seul subsiste un sentiment d'une exceptionnelle, d'une impossible intensité. Vous êtes aux frontières parfaites du réel. Quelque part sur la ligne mouvante de ce qui s'organise pour tous. Prenant dans le lit du courant les directions premières, désignant les premières passerelles, dessinant des itinéraires. Vous êtes une fourmi qui trace un chemin. Posant ses phéromones, un à un, dans une allée de pierres blanches. Retrouver. Parvenir à rendre, à restituer ce qui a été donné et qui est d'une dimension inappropriée, illusoire pour un esprit en mouvement, qui ne se serait séparé de quelque chose d'essentiel que pour atteindre quelque chose de plus essentiel encore. Un noyau, une épure absolue dans laquelle il est permis d'entrer sans effraction, parce que c'est elle, et parce qu'elle vous rend à la réalité tangible de la vie. Ces corps sont séparés et pourtant une porosité de chaque instant les relie.

Vous touchez quelque chose que l'on est pas autorisé à toucher.

Le centre absolu de l'amour, la pure explication qui disparaît parce qu'elle n'est plus nécessaire. Vous vous êtes débarrassé de vos ailes, de tout ce qui vous faisait avancer et seuls des courants à présent vous guident vers un état de stricte nécessité. La signification, la réponse, la disposition intuitive du tout quand l'esprit cesse de fonctionner parce qu'il n'en a plus besoin, parce que l'intelligence à accomplit sa tâche, fait ce pourquoi elle avait été placée en vous. Trouver et toucher. Etre et sentir, sans trace de confusion, sans départ et sans retour. Point final qui est un début. Qui est source intarissable de présent. Contact et genèse.

Une meilleure direction se compose à présent sous vos yeux. Ces yeux lavés et brûlés par toutes les images qui les habitent, quittent votre corps. Ils glissent doucement dans une redéfinition progressive du tout.

La transmission est faite.

Le temps aboli reprend son cours. Vous avez survécu. Vous êtes ressuscité d'entre tous les hommes.

Vive la France !

(La suite sera prochainement disponible en librairie.)